• Vale un Potosí !

    Une expression inventée par Cervantes et qui est restée dans la langue espagnole pour désigner quelque chose de grande valeur...

    En effet, le cerro (montagne) de Potosí est littéralement une montagne d'argent. Et évidemment, lorsque les espagnols s'en sont rendu compte... ils ne se sont pas fait prier pour l'exploiter, utilisant les locaux comme esclaves. 8 millions de personnes seraient mortes dans ces mines pendant la période colombienne. La petite blague dit que les espagnols auraient pu construire un pont d'argent entre l'Amérique et l'Espagne et en avoir encore assez à transporter dessus...

    Quoi qu'il en soit, les espagnols sont partis mais les mines sont restées. Et les conditions n'ont pas beaucoup changé. J'ai donc voulu faire la visite de ces mines et l'expérience fut forte et troublante.

    Je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre lorsque j'ai booké ce tour pour visiter les mines de Potosí. Tout le monde en parle comme une expérience immanquable mais sans en faire vraiment de description... Et je dois avouer que je n'avais pas vraiment cherché à m'en faire un représentation. J'ai donc signé cette excursion comme n'importe quelle autre attraction pour touriste, mon principal souci étant de négocier un bon prix.

    C'est ainsi que je me retrouve ce jeudi 5 mai 2011 à 13h30 dans un mini-bus chargé d'anglophones. C'est seulement à cet instant que je me rend compte que le guide parle  un anglais impeccable et que le tour se fera dans la langue de Shakespeare, bonjour l'insertion...
    Peu importe, je suis à mon aise, jouant le touriste dans un tour pour touristes.

    L'envers du blog...Nous arrivons finalement à l'entrée d'une mine à mi-hauteur de la montagne. Il est encore l'heure des photos et des anecdotes sur les mineurs.


     

     

     

     

    Mais bien vite, nous nous enfournons dans l'ouverture. Il faut se baisser pour avancer. Je me dis que les Boliviens ne sont vraiment pas très grands mais tout de même... je ne peux pas me vanter de gigantisme !

     

     

    Nous suivons d'abord les rails des wagons dans la galerie poussièreuse. 1er groupe de mineurs. Ils ne sont que deux mais nous expliquent qu'ils travaillent à 3. Le guide les interroge et fait l'interprète. Ces deux jeunes n'ont que 18 et 19 ans et travaillent depuis un an dans la mine. Ils ont commencé à 5h du matin, il est 15h...
    Les mineurs ici travaillent pour eux, souvent en groupe pour faciliter le travail mais ils ne sont pas salariés, leur paye dépendra uniquement du prix qu'ils pourront tirer de leur chariot. Ils sont fiers de montrer leur travail et apprécient les visites de touristes car, ça fait partie de l'excursion, nous leur avons acheté des cadeaux avant de venir (des feuilles de coca, des jus de fruit, de l'alcool et du tabac, des explosifs... que de bonnes choses pour la santé !). Le guide les remercie de leur temps en leur offrant quelques présents. Nous continuons la progression.

    Ca ne fait qu'une demi-heure que nous sommes entrés dans ce guépier et j'en ai déjà marre. J'ai le souffle court et respirer est désagréable. Mais je ne peux quand même pas me plaindre. C'est alors que nous quittons le tunnel principal pour nous enfiler dans un trou de souris. A 4 pattes dans la poussière, il faut se tortiller pour atteindre la seconde galerie. Je commence vraiment à être mal à l'aise ! Je suis même anxieux, rien de tout ça n'est sécurisé. Je suis en train de découvrir par la pensée ce qui serait une très désagréable façon de mourir. Merde ! Ce n'est pas une attraction là, c'est la vraie vie et je n'ai plus du tout envie d'être là. Je persuade mon corps de continuer à avancer en pensant à ces mineurs qui font ça tous les jours, et je suis justement là pour découvrir dans quelles conditions ils le font. Il fait très chaud, avancer accroupi m'épuise, je sue. Les autres ne se plaignent pas évidemment mais l'on peut voir sur les visages que ce n'est pas une partie de plaisir. Enfin nous stoppons et nous nous asseyons dans une cavité où a été installée un représentation en bois du Tío (le dieu) de la montagne. Le guide nous explique son origine hispanique (il était utilisé pour effrayer les indiens esclaves et assurer ainsi un travail intensif de leur part) et son importance toujours d'actualité pour les mineurs. Mais j'ai du mal à me concentrer. J'essaie de respirer. Qu'est ce que je fous ici ?

    Lorsque nous repartons, j'espère au fond de moi que le guide va nous dire que nous nous dirigeons vers la sortie mais il n'en fait rien. A la vérité, nous nous dirigeons vers une autre galerie...

    Sur le chemin, nous recontrons un autre mineur. Il travaille seul. Il a 19 ans mais nous explique qu'il a commencé il y a 6 ans déjà ! Combien d'années lui reste t-il avant de mourir les poumons encrassés de poussières toxiques ? Mais il ne se plaint pas, il n'y a pas de pitié dans son regard, il ne demande rien. Le guide lui donnera un sachet de coca, très appréciée de n'importe quel Bolivien.

    Un autre trou de souris. Encore des acrobaties. Ca y est, je ne pense plus du tout aux mineurs, je me replie égoistement sur moi. Je ne veux plus être là, cet endroit est un enfer et l'épée de Damoclès se fait de plus en plus lourde au dessus de ma tête. Extrêmement objectif et cartésien, j'ai rarement reculé devant des activités "extrêmes" car je sais que le risque est infiniment faible. Tout ceci n'a plus cours ici. Le risque est nul mais l'oppression du lieu est trop forte. Alors quand nous rencontrons un groupe de mineurs au fond de cette galerie prêt à faire exploser un baton de dynamite, je suis à deux doigts de demander au guide à ce que nous sortions. Les mineurs déclencheront une fois que nous serons revenus dans la galerie principale, voilà qui est rassurant !

    Explosion !
    . . .
    La galerie ne s'effondre pas... ouf !

    Le guide nous dit ensuite qu'il est temps de se diriger vers la sortie. Oui ! Enfin !
    Il nous faudra des heures, ou peut-être était-ce des minutes, pour retrouver la lumiere divine du jour et surtout l'air frais. Pendant quelques instants, tout me semble beau et étincellant et il n'a jamais été si bon de respirer...

    Assis sur des sacs de sable, le guide nous explique que la plupart des mineurs sont là par choix. Si pour moi, aucun salaire ne pourrait me faire travailler ici, il semblerait que ce ne soit pas le cas de tout le monde. En effet, lorsqu'un professeur peut atteindre 2200B$ (environ 220€) par mois en fin de carrière, un mineur gagne entre 3000 et 4000B$ (300 à 400€) / mois... Et tous caressent le rêve de trouver LE filon et de devenir riche...

    Le tour s'achève par la visite de l'usine d'extraction et de purification des minerais.

    A posteriori, cette expérience au coeur de la Bolivie n'était pas si terrible et je ressens un peu de honte à relire cet article écrit à chaud dans mon carnet mais c'est ainsi que je l'ai vécu...

    « Des bretons autour du monde.Trek »

    Tags Tags : , , ,
  • Commentaires

    1
    Papa39
    Samedi 14 Mai 2011 à 14:46
    Étonnant et intéressant ton récit.
    2
    grosseballe
    Mardi 17 Mai 2011 à 17:23

    Ton récit arrive à nous faire passer l'angoisse sourde qui a dû t'assaillir lors de la descente dans cette mine. Il n'y a pas de honte à avoir ressenti ça! Entre les conditions de travail épouvantables qui sont  "culpabilisantes" pour les nantis que nous sommes, et la peur que cette mine ne s'écroule,on peut comprendre ton malaise. J'ai eu Myriam au téléphone, et elle m'a dit que Thierry 2  connaissait cette mine mais n'y serait jamais entré en sachant qu'elle doit ressembler à du gruyère depuis le temps qu'elle est exploitée...Il y a de quoi se faire une frousse à postériori

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :